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Et rebelote : Cloudflare tombe encore et fait vaciller le Web

Et rebelote : Cloudflare tombe encore et fait vaciller le Web

Nouvelle panne majeure de Cloudflare ce 5 décembre. Après un incident massif en novembre, l’Internet mondial se découvre dangereusement dépendant.

Emmanuelle Marie Foutou
Emmanuelle Marie Foutou
4 min

La planète Internet tousse, et le virus s’appelle ( une fois de plus ) Cloudflare. Le géant américain de la cybersécurité et du routage web a connu ce vendredi matin une panne majeure, paralysant une impressionnante portion du réseau mondial.

La cause? Une opération de maintenance lancée par Cloudflare rendant inaccessibles de nombreux sites et services dans le monde. Des services majeurs comme Deepl, Notion, Microsoft Copilot, Doctolib, Canva, Dealabs ou encore Garmin ont été touchés, avec des pages d’erreur à répétition pour les utilisateurs.​

Ironie totale : même Downdetector, la plateforme censée permettre de vérifier si un service est en panne, a été elle-même indisponible, poussant les internautes vers des alternatives comme "Down for everyone or just me".​

Une deuxième panne en moins d’un mois

Si cette coupure donne une impression de déjà-vu, ce n’est pas un hasard : Cloudflare sort à peine d’une première panne majeure survenue le 18 novembre. Ce jour-là, une erreur dans la gestion d’un fichier de configuration utilisé pour la lutte contre les bots avait déclenché une cascade de dysfonctionnements sur son réseau.​

Concrètement, un fichier de configuration généré par un système interne a doublé de taille et dépassé une limite prévue par le logiciel chargé de faire transiter le trafic, provoquant l’arrêt brutal de composants essentiels du proxy de Cloudflare. Résultat : pendant près de six heures, des services majeurs comme X, ChatGPT, Spotify ou Canva ont été difficilement accessibles pour des centaines de millions d’utilisateurs.​

Un bug interne, pas une cyberattaque, mais une alerte

Cloudflare a indiqué que la panne du 18 novembre n’était pas liée à une cyberattaque mais à un problème purement technique de configuration et de validation logicielle. En clair, un changement dans les permissions d’une base de données a conduit à générer un fichier de configuration trop volumineux pour l’outil qui pilote une partie de la sécurité et du routage, provoquant son crash puis une propagation globale de l’incident.​

Cet épisode a mis en lumière plusieurs failles : un manque de garde‑fous sur la taille des fichiers critiques, des erreurs non gérées dans le code et l’absence de "kill switch" rapide pour arrêter la propagation d’une configuration défectueuse. Ce type de bug rappelle qu’un simple fichier mal dimensionné peut désorganiser, à lui seul, une bonne partie de l’Internet mondial.​

Une dépendance structurelle à quelques géants

Ces deux pannes rapprochées illustrent une réalité souvent sous-estimée : une poignée d’entreprises comme Cloudflare, Amazon Web Services ou Akamai concentre une part énorme de la distribution et de la sécurisation du trafic web mondial. Lorsque l’une d’elles connaît un incident, ce ne sont pas seulement quelques sites qui sautent, mais des pans entiers de l’économie numérique qui ralentissent ou s’arrêtent.​

Entre sites de santé, outils de travail collaboratif, plateformes de paiement, services publics en ligne et applications de divertissement, l’impact d’une panne de ce type se mesure en productivité perdue, en consultations médicales annulées et en manque à gagner pour les entreprises. Si ces interruptions restent temporaires, elles montrent que l’architecture actuelle d’Internet est tout sauf résiliente lorsqu’un acteur central tombe.​

Afrique : un futur numérique à ne pas externaliser

Pour l’Afrique, qui est en plein chantier de construction de ses infrastructures numériques, ces pannes en série sont plus qu’un fait divers technologique : ce sont des signaux faibles à prendre très au sérieux. Le continent s’appuie de plus en plus sur des clouds globaux, des CDN internationaux et des services de cybersécurité hébergés en dehors de ses frontières, reproduisant la même dépendance que le reste du monde, mais avec encore moins de contrôle.​

Laisser des services essentiels ( santé, éducation, administration en ligne, fintech, médias ) reposer presque exclusivement sur quelques acteurs occidentaux, c’est accepter qu’un bug de configuration à San Francisco ou Londres puisse paralyser des pans entiers de la vie numérique à Libreville, Dakar ou Abidjan. Cette dépendance pose une question de souveraineté autant que de performance.​

Urgence d’une souveraineté numérique africaine

Ces pannes à répétition doivent donc être lues comme une sonnette d’alarme : sans infrastructures régionales robustes, sans clouds souverains ni hébergeurs locaux capables de prendre le relais, l’Afrique reste spectatrice de décisions techniques prises ailleurs. La résilience passe par la diversification des fournisseurs, le développement de datacenters régionaux, le soutien à des solutions de cybersécurité locales et une montée en compétence massive des ingénieurs et opérateurs du continent.​

Construire un numérique africain souverain ne signifie pas se couper des géants internationaux, mais ne plus dépendre d’eux pour tout. Chaque panne comme celle de Cloudflare rappelle qu’un Internet réellement au service des sociétés africaines doit être pensé, gouverné et sécurisé aussi depuis l’Afrique, et pas uniquement depuis la Silicon Valley ou l’Europe.​


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Emmanuelle Marie Foutou
Emmanuelle Marie Foutou

Salut, c'est Emmy! Journaliste et consultante en communication, je prends plaisir à raconter le quotidien à travers des articles de presse et des reportages photo et vidéo depuis plus de huit ans. Mon pari sur la tech ? Elle façonnera de plus en plus nos usages, nos métiers et nos imaginaires ,raison de plus pour en décrypter les enjeux avec rigueur et pédagogie.

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