Kimba repose sur un principe simple : transformer ce qui relevait jusqu’ici de relations informelles ou opportunistes en un processus digitalisé et structuré, où les besoins sont explicités, les solutions comparées et les collaborations facilitées. Le ministère ne cherche pas à devenir un donneur de marchés — rôle qui a souvent limité la capacité d’innovation — mais à fonctionner comme un intermédiaire neutre, capable d’aligner et d’accompagner des acteurs dont les logiques opérationnelles, économiques et culturelles divergent radicalement.
Ce positionnement a été particulièrement visible lors du lancement, qui ne s’est pas limité à une démonstration de la plateforme. Une session d’échange réunissant une délégation de la Fédération Gabonaise des Entreprises (FEG), conduite par son président, M. Alain-Claude Kouakoua, accompagné de onze de ses vice-présidents, ainsi que plusieurs acteurs de l’écosystème startup — parmi lesquels Tech241, Ogooué Labs, l’incubateur multisectoriel, ou encore la Société d’Incubation Numérique du Gabon — a illustré ce que Kimba prétend rendre possible à grande échelle : une mise en visibilité mutuelle.
Les grandes entreprises ont reconnu la difficulté à exprimer précisément leurs besoins numériques, tandis que les startups ont souligné les obstacles récurrents à l’accès au marché, qu’il s’agisse de légitimité, de confiance ou de conditions contractuelles. Cet échange a surtout mis en évidence deux éléments fondamentaux. D’abord, l’existence d’une volonté réelle de collaboration entre les deux mondes, malgré un historique d’incompréhensions et de décalages de pratiques. Ensuite, le fait que la plateforme, même parfaitement opérationnelle, ne constitue qu’une première étape : elle fournit un cadre, pas une dynamique.
Le succès de Kimba dépendra moins de sa capacité technologique que de la manière dont les entreprises s’approprieront la formalisation de leurs besoins et dont les startups structureront des propositions répondant aux standards attendus. Du point de vue des politiques publiques, Kimba s’inscrit dans un mouvement plus large où les gouvernements cherchent à faciliter les interactions économiques sans intervenir directement dans les décisions commerciales. Le Gabon tente ainsi de positionner son ministère comme un acteur de “coordination numérique”, fonction rare dans la région mais cruciale pour réduire l’asymétrie d’information et stimuler un marché technologique encore naissant.
Toutefois, cette approche comporte ses propres défis, qu’il faudra cadrer rapidement : la mise en place d’une gouvernance claire, ou encore d’incitations pour que les entreprises publient des besoins réels. Tout aussi fondamental : le maintien d’une neutralité perçue dans les mécanismes de mise en relation.
L’ambition de Kimba reste néanmoins significative. Si le dispositif fonctionne, il pourrait contribuer à structurer un marché où les startups locales cessent d’être cantonnées à des concours d’innovation et obtiennent enfin un accès systémique à la demande privée nationale. Pour les entreprises, cela offrirait une alternative crédible aux prestataires internationaux, souvent coûteux et peu adaptés aux spécificités locales. Pour l’État, cela constituerait un levier pour renforcer l’écosystème sans se substituer au secteur privé.
À ce stade, Kimba représente moins une solution aboutie qu’un cadre de possibilité : la création d’un espace où la demande et l’offre numériques peuvent s’articuler de manière plus transparente et plus rationnelle. Le lancement a démontré que les acteurs sont prêts à engager le dialogue ; la question désormais est de savoir si ce dialogue peut se transformer en pratiques concrètes, régulières et mutuellement bénéfiques. Le pari est ouvert, mais pour la première fois, il repose sur un outil conçu pour réduire la distance entre deux mondes qui, jusqu’ici, avançaient en parallèle.





