Marc-Alexandre Doumba : pourra-t-il repositionner le Gabon sur la carte de l’innovation africaine ?

Quand un entrepreneur de la tech prend la tête d’un ministère stratégique, c’est toute une vision du futur qui est en jeu.

Depuis des années, le numérique est au cœur des discours politiques en Afrique. Des promesses de digitalisation, d’inclusion financière, de souveraineté technologique. Mais dans la réalité, peu de pays d’africque centrale ont réussi à transformer l’essai.
Les freins sont connus : lourdeurs administratives, absence de leadership technique, faible coordination intersectorielle.

La nomination de Marc-Alexandre Doumba comme ministre de l’Économie numérique, de la Digitalisation et de l’Innovation marque une rupture potentielle avec cette inertie systémique. Et pour cause : il n’est pas un homme de l’administration. Il est un homme de produit-tech.

Un profil tech, formé à l’international, ancré dans l’action

Avant d’entrer au gouvernement, Marc-Alexandre Doumba a multiplié les initiatives dans le secteur privé. Il est le fondateur de ClikAfrik Group, qui a développé la solution ClikPay, une néo-banque digitale pensée pour les économies africaines francophones.


Pour lui, ce n’était pas une simple solution de paiement. C’est un pari sur l’avenir des usages financiers en Afrique, à une époque où peu croient à une adoption locale des wallets digitaux.

Ce parcours témoigne de trois choses :

  • Une maîtrise fine des dynamiques tech.
  • Une capacité à anticiper les usages plutôt que les suivre.
  • Et surtout, une culture du résultat — rare dans l’action publique.

Ce que représente sa nomination (et ce qu’elle peut activer)

Sa présence à ce poste, voulu par le Président de la République, Brice Clotaire Oligui Nguema, envoie un signal fort aux écosystèmes tech du pays : pour la première fois, un acteur issu de leurs rangs est aux commandes. Mais au-delà du symbole, ce sont des leviers concrets que cette nomination pourrait activer :

1. Réconcilier État à l’innovation

En Afrique de facon plus globale, et au Gabon en particulier, la défiance entre startupers et acteurs publics reste forte. Le nouveau ministre peut servir de pont, en amenant une logique de design thinking et d’expérimentation dans les politiques publiques.

2. Faire de la régulation un levier, pas un frein

Le numérique ne se développe pas sans un cadre clair. Paiements, données, cloud, intelligence artificielle… Tout manque aujourd’hui de balises. Un profil comme le sien peut impulser une régulation adaptative, construite en dialogue avec les acteurs.

3. Ancrer l’innovation dans les territoires

L’un des grands défis du Gabon, comme de nombreux pays africains, reste la fracture numérique intérieure. Si le pays affiche un bon taux de couverture internet — avec environ 85 % de la population vivant dans des zones desservies par les réseaux mobiles 3G/4G, selon les données récentes de l’ARCEP — cette connectivité demeure inégalement répartie. Libreville concentre à elle seule l’essentiel de l’effervescence numérique : salons, forums, demo days, incubateurs… tout converge vers la capitale.

Le défi, désormais, consiste à déployer cette dynamique au-delà du cordon urbain, en capitalisant sur les acquis pour faire émerger de véritables pôles d’innovation en régions. D’aucuns ont effleuré l’idée d’une “Silicon Ogooué”, où l’ingéniosité locale irriguerait le territoire au rythme de la technologie et de l’entrepreneuriat. Peut-être est-il temps d’en faire un chantier concret.

Les défis qu’il devra affronter

Sa légitimité ne suffira pas. Il devra affronter :

  • Une administration peu agile, souvent hermétique à l’expérimentation.
  • Une fragmentation des initiatives numériques étatiques.
  • Et un secteur privé en attente de signaux clairs (incitations fiscales, fonds d’amorçage, cloud souverain, etc.).

Il faudra passer du produit au système, du MVP à la politique publique.

Et maintenant ?

Marc-Alexandre Doumba peut-il transformer le ministère de l’Économie numérique en une véritable tour de contrôle de l’innovation gabonaise ?

C’est possible. Mais cela demandera plus qu’une bonne volonté : une méthode, un cap, et une volonté de rupture avec la culture du statu quo.

Dans un pays où le digital est souvent résumé à « connecter les gens », il est temps de connecter les solutions, les données, les talents et les institutions.

Et s’il y a un moment pour agir, c’est maintenant
Dans cette 5e République. 

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