Chargement...
[TRIBUNE] – Contribuer à la souveraineté numérique du Gabon : vers une Agence de Cybersécurité – Didier SIMBA

[TRIBUNE] – Contribuer à la souveraineté numérique du Gabon : vers une Agence de Cybersécurité – Didier SIMBA

À l’heure où les cybermenaces se multiplient et où les États bâtissent leurs stratégies de souveraineté numérique, le Gabon ne peut plus avancer sans une gouvernance dédiée à la protection de son espace digital. Fort de douze années d’expertise, Didier Simba appelle à la création d’une Agence Nationale de Cybersécurité pour structurer, sécuriser et préparer durablement notre écosystème numérique.

Didier Simba
Didier Simba
5 min

Pour une Agence Nationale de Cybersécurité : bâtir enfin la souveraineté numérique du Gabon

Depuis plus de douze ans, j’accompagne des entreprises et des institutions africaines dans leur transformation digitale et la protection de leurs systèmes d’information. En tant que fondateur de DSTrust au Gabon, du CESIA à l’échelle continentale, et aujourd’hui de l’Association des Professionnels de la Sécurité de l’Information du Gabon (APSI-GA), j’ai vu de l’intérieur les forces, les fragilités, mais aussi les immenses opportunités qui s’offrent à notre pays.

C’est fort de cette expérience que je prends la plume aujourd’hui.
Parce que la question de la cybersécurité au Gabon n’est plus un débat technique réservé à quelques spécialistes.
C’est désormais une question de souveraineté, de stabilité nationale, et de développement économique.

 

Un pays où la prise de conscience progresse, mais où la maturité reste faible

Le Gabon avance, mais il avance encore trop lentement. Dans la plupart des secteurs, la cybersécurité est perçue comme un sujet de techniciens, alors qu’elle devrait être considérée comme un levier stratégique au même titre que l’économie ou la sécurité publique.

Le secteur bancaire, guidé par les exigences de la COBAC, est aujourd’hui le plus mature.
Les autres secteurs, eux, entrent seulement dans une phase de prise de conscience réelle.

Pourtant, les menaces sont bien présentes.
Le dernier Baromètre du CESIA l’a rappelé : une entreprise africaine sur deux a déjà subi une cyberattaque majeure. Au Gabon, nous n’échappons à aucune de ces attaques, qu’elles soient financières, organisationnelles, juridiques ou liées à l’image.

Le rançongiciel reste la menace numéro un, et dans 80 % des cas, tout commence par un simple clic malheureux — une campagne de phishing, un message anodin, un lien malveillant.
Les cybercriminels n’ont plus de frontières ; ils ciblent nos entreprises comme nos institutions.

L’attaque récente contre le Premier ministre de transition, Raymond Ndong Sima, en est un exemple frappant.
S’il ne s’était pas agi d’un cybercriminel local rapidement neutralisé par les autorités, qu’en serait-il advenu ?
Cet événement a révélé une chose simple : nous sommes vulnérables. Terriblement vulnérables.


Il nous manque une vision nationale, une stratégie claire, un pilote

Aujourd’hui, les initiatives existent. Elles sont souvent pertinentes, parfois ambitieuses.
Mais elles sont dispersées.
Elles ne parlent pas entre elles.
Elles ne s’inscrivent pas dans une stratégie globale.

Cette absence de coordination crée une zone grise.
Et dans cette zone grise, les cybercriminels prospèrent.

Le Gabon ne peut plus se permettre d’avancer sans boussole.
Il nous faut un cadre, une doctrine, une architecture de protection nationale.
Il nous faut un acteur unique, indépendant, doté d’un mandat clair.

C’est pourquoi je plaide — avec conviction — pour la création d’une Agence Nationale de Cybersécurité.

Pourquoi une agence dédiée est indispensable

Près de la moitié des pays africains disposent déjà d’un organe national dédié à la cybersécurité.
Pas un service rattaché quelque part.
Pas un département dans un établissement existant.
Mais une agence pleine et entière, indépendante, responsable, porteuse d’une stratégie nationale.

Le Gabon doit franchir ce cap.

Dans un manifeste publié en 2024, j’exposais déjà cette urgence :
la menace cybercriminelle augmente, mais notre capacité de réponse n’a pas encore suivi.

Une véritable agence nationale jouerait plusieurs rôles essentiels :

  • Piloter la stratégie nationale

  • Établir des normes obligatoires pour les administrations et acteurs stratégiques

  • Fédérer les experts et prestataires certifiés

  • Superviser la réponse aux incidents majeurs

  • Accompagner les entreprises et administrations dans leurs obligations de sécurité

  • Sensibiliser les citoyens

  • Renforcer la coopération internationale

  • Développer la recherche et l’innovation locales

Ce serait l’organe totem du pays en matière de cybersécurité.
Un lieu d’autorité, mais aussi de pédagogie.
Un rempart, mais aussi un catalyseur d’opportunités économiques.

Une structure complémentaire, et non concurrente, de l’ANINF

L’ANINF joue un rôle essentiel : elle construit, déploie et opère les infrastructures numériques de l’État.
Elle est l’architecte du numérique public.

Mais justement :
on ne peut pas être à la fois architecte, opérateur… et régulateur.

Pour éviter toute situation de “juge et partie”, une agence dédiée doit se tenir au-dessus, avec un mandat clair :
– contrôler,
– réguler,
– surveiller,
– coordonner la réponse aux incidents,
– représenter le pays dans les instances internationales.

L’ANINF doit continuer à construire.
L’Agence doit garantir, vérifier, protéger.

Les deux sont complémentaires, et nécessaires.

 

À quoi ressemblerait un Gabon protégé par une véritable agence ?

Je vois un Gabon où :

  • les cyberattaques sont détectées en temps réel ;

  • les administrations suivent des normes strictes de protection ;

  • les opérateurs critiques sont supervisés ;

  • les prestataires locaux sont certifiés ;

  • la population est sensibilisée ;

  • les compétences nationales se développent ;

  • le pays attire des investisseurs parce qu’il est jugé sûr et résilient.

Un Gabon où la sécurité numérique devient un avantage compétitif.
Un Gabon où la souveraineté numérique n’est plus un slogan, mais une réalité palpable.

 

Mon message aux décideurs

Ne laissons pas le pays avancer à découvert.
La cybersécurité n’est plus un choix.
Elle n’est plus un luxe.
Elle n’est plus une option.

Elle est une condition de souveraineté, de stabilité et de développement économique.

Le monde avance vite, et la menace encore plus vite.
Le Gabon ne peut pas se permettre d’être à la traîne.

Conclusion

Si je devais résumer l’urgence en une seule phrase, ce serait celle-ci :

Créer une agence nationale de cybersécurité, c’est garantir la souveraineté numérique du Gabon pour les décennies à venir.

 

MOTS-CLÉS

#PostLight
Didier Simba
Didier Simba

Je suis Didier Simba, expert en digitalisation et cybersécurité, avec plus de 12 ans d’expérience aux côtés des entreprises et institutions publiques en Afrique.

Voir tous les articles →
Chargement...