En refusant de devenir une société à but strictement lucratif, OpenAI a envoyé un signal fort à l’industrie technologique mondiale. À l’heure où la majorité des licornes s’alignent sur des logiques de valorisation et d’hypercroissance, Sam Altman et son équipe tracent un chemin radicalement différent : celui d’une entreprise à mission, sous gouvernance non lucrative, qui place l’intérêt général au cœur de ses choix stratégiques.
Ce geste, à première vue marginal, pose une question de fond :
Et si le modèle dominant de la tech était structurellement incompatible avec l’éthique que l’on prétend lui associer ?
Ce que fait vraiment OpenAI
Officiellement, OpenAI conserve son statut hybride : une branche commerciale qui peut faire des profits (sous forme de Public Benefit Corporation), mais dont le contrôle reste entre les mains d’une fondation à but non lucratif.
Ce montage permet :
- de lever des fonds,
- de développer à grande échelle,
- tout en verrouillant les finalités de l’entreprise : sécurité, accès équitable, transparence, intérêt public.
C’est une ligne rouge posée au capitalisme technologique classique : oui à l’efficacité du marché, non à sa toute-puissance.
Pourquoi ce choix est stratégique (et pas naïf)
OpenAI ne fait pas ça par idéalisme. Elle le fait pour durer.
Dans un monde où l’intelligence artificielle devient une infrastructure critique, le cadre de gouvernance est aussi important que la technologie elle-même.
Face à Elon Musk qui voulait la racheter, ou SoftBank qui exigeait une conversion capitaliste, la réponse d’Altman est claire :
“OpenAI n’est pas à vendre.”
Ce n’est pas un rejet du profit. C’est une réaffirmation de la mission comme pilier stratégique.
Et pour l’Afrique, pourquoi est-ce essentiel ?
Parce que l’écosystème tech africain est en train de se structurer, et que c’est maintenant que les fondations se posent : modèles économiques, types d’actionnaires, logique de contrôle, arbitrages éthiques…
Et aujourd’hui encore, beaucoup de startups africaines rêvent de suivre la voie de la Silicon Valley, sans se poser les bonnes questions structurelles.
Mais dans des contextes où :
- les inégalités numériques sont criantes,
- les services essentiels sont encore mal distribués,
- l’État reste parfois déconnecté des dynamiques d’innovation,
le modèle « croissance à tout prix » devient dangereux. Il peut creuser les écarts, concentrer les données, fragiliser la souveraineté numérique.
🇬🇦 Gabon : le moment de se poser les bonnes questions
Le Gabon, comme d’autres pays d’Afrique centrale, a engagé plusieurs chantiers dans le numérique : open data, plateformes publiques, inclusion financière. Mais la gouvernance de ces outils reste souvent floue.
La leçon d’OpenAI est limpide :
Ce n’est pas la technologie qui fait la différence. C’est le cadre dans lequel elle est pensée, financée et contrôlée.
Si le Gabon veut éviter de construire un numérique de surface, il doit :
- favoriser les structures hybrides (public / privé / mission),
- exiger des clauses d’impact dans les partenariats stratégiques,
- outiller les institutions à comprendre les enjeux éthiques de la tech.
À retenir
- OpenAI ne refuse pas l’argent. Il refuse d’en être dépendant.
- La tech africaine doit s’inspirer non pas des produits, mais des structures de gouvernance.
- Construire un numérique souverain, inclusif et durable, commence par choisir pourquoi on innove — pas seulement comment.
En guise de conclusion
En refusant de devenir une “entreprise normale”, OpenAI met en lumière une tension que tous les écosystèmes tech devront affronter tôt ou tard :
Quelle part de contrôle sommes-nous prêts à céder pour aller plus vite ?
La réponse de Sam Altman est courageuse. L’Afrique ferait bien de s’en inspirer avant de se retrouver prisonnière de son propre développement technologique.