Avec un taux de participation record de plus de 87% à la présidentielle de 2025, les Gabonais ont démontré leur désir de changement et d’engagement démocratique. Mais derrière cette mobilisation exemplaire, les soupçons persistent : procurations douteuses, enveloppes numérotées, listes électorales incomplètes ou même surveillance numérique des votes. Malgré le nouveau code électoral adopté en janvier 2025 et les efforts de modernisation initiés par la transition politique, la transparence du processus reste fragile.
Alors que d’autres pays africains misent sur la technologie pour renforcer la confiance électorale, la question se pose : le Gabon peut-il s’inspirer de ces innovations pour tourner la page des contestations récurrentes ?
Des failles persistantes, malgré la modernisation
Parmi les fragilités les plus problématiques figure le vote hors territoire local, entretenu par le transport d’électeurs déplacés. Cette pratique, dénoncée par les observateurs lors des dernières élections, fausse la représentativité des urnes locales.
Pour y remédier, le Gabon pourrait s’inspirer des innovations appliquées ailleurs :
- des actes électroniques de domiciliation dès l’enrôlement, produits et vérifiés biométriquement par les mairies, garantissant le rattachement électoral réel des citoyens ;
- un lien automatisé entre les bases de données locales et nationales, empêchant toute inscription dans plusieurs zones simultanées.
Ces solutions offriraient un contrôle plus fin du corps électoral à l’échelle territoriale et réduiraient la tentation du clientélisme local.
Des modèles internationaux inspirants
Plusieurs pays africains ont déjà franchi une étape supplémentaire. Le Ghana, le Nigeria et le Kenya utilisent des kits biométriques reliés à un serveur central, garantissant que chaque électeur est identifié sur place le jour du vote. Résultat : une réduction massive de la fraude par usurpation d’identité.
En parallèle, l’Estonie et l’Australie explorent la blockchain pour tracer chaque vote et permettre au citoyen de vérifier que le sien a bien été comptabilisé. À cela s’ajoutent des initiatives de surveillance citoyenne comme au Brésil ou en Sierra Leone, où des applications mobiles permettent de signaler en direct des anomalies sur le terrain.
Et demain, un vote en ligne à la gabonaise ?
Le vote électronique pourrait constituer la prochaine évolution stratégique. L’Estonie enregistre déjà plus de 40% de suffrages en ligne, et certains cantons suisses testent le principe pour leurs résidents et leur diaspora.
Pour le Gabon, cette option pourrait permettre de lutter contre l’abstention et les contraintes logistiques, tout en favorisant la participation de la diaspora, souvent éloignée des centres diplomatiques.
Mais le défi reste double : protéger la cybersécurité du processus et garantir la confidentialité des données électorales. Un modèle mixte, combinant vote physique et vote numérique sécurisé via certificats biométriques ou blockchain, offrirait un compromis adapté aux réalités locales.
La technologie, oui mais pas sans volonté politique
De la biométrie à la géolocalisation, du vote en ligne à la blockchain, les outils existent pour rendre le vote gabonais plus transparent et accessible. Mais la clé réside dans la gouvernance, la formation et la confiance citoyenne. Sans accompagnement institutionnel solide et cadre légal clair, la technologie seule ne suffira pas à restaurer la foi dans les urnes.
Le Gabon a déjà pris le virage du numérique électoral. Il lui reste à franchir celui, plus exigeant, de la transparence partagée.