Data centers : le Gabon doit-il rattraper le train du numérique ?

Une récente étude de Heirs Technologies (Africa’s Digital Leap: Cloud, Connectivity & AI in the Next Decade, sept. 2025) révèle que 46 % des data centers africains se concentrent dans quatre pays : Afrique du Sud, Nigeria, Kenya et Égypte.

Le Gabon, lui, n’apparaît pas dans ce classement. Pourtant, avec un centre déjà répertorié et deux projets en construction, le pays amorce un virage stratégique. L’enjeu n’est plus de savoir s’il doit investir, mais comment transformer cette impulsion en véritable levier de souveraineté numérique et de compétitivité régionale.

Un retard structurel, mais pas une absence totale

En 2025, l’Afrique compte environ 211 data centers opérationnels (Heirs Technologies). L’Afrique du Sud en concentre 49, soit près d’un quart du total continental. Le Nigeria, le Kenya et l’Égypte complètent ce “Big Four” de l’infrastructure numérique.

Le Gabon, lui, reste discret : certaines bases de données internationales ne recensent qu’un seul site (DataCenterMap), tandis que d’autres font état de trois centres localisés à Libreville (GABIX, Airtel). Ce déficit de visibilité reflète une réalité : le pays n’est pas encore un acteur majeur du cloud africain.

Des signaux d’accélération

Malgré cette situation, la trajectoire est en train de changer. Deux projets structurants sont actuellement en cours :

  • ST Digital à Nkok : la construction d’un data center Tier III écologique, intégrant énergies renouvelables et solutions avancées de refroidissement, a démarré en août 2025. Sa mise en service est prévue d’ici quelques mois (DatacenterDynamics, TechAfricaNews).
  • Projet Cybastion : en partenariat avec l’État, cette initiative associe cybersécurité, identification numérique et hébergement souverain des données stratégiques (Powers of Africa, Sputnik Africa).

Ces infrastructures ne sont pas seulement techniques : elles traduisent une volonté politique d’inscrire le Gabon dans la carte numérique régionale.

Trois enjeux clés pour le Gabon

  1. Souveraineté numérique
    Héberger les données critiques à l’étranger expose à des risques juridiques, économiques et géopolitiques. Les data centers locaux permettent de reprendre le contrôle.
  2. Performance économique
    Un hébergement local réduit la latence, améliore l’expérience utilisateur et soutient l’émergence d’acteurs dans la fintech, l’e-santé ou l’éducation numérique.
  3. Compétitivité régionale
    Situé au cœur de l’Afrique centrale, le Gabon a le potentiel de devenir un hub de services digitaux. Avec une énergie abondante et une stabilité relative, il pourrait attirer des flux de données de la sous-région.

Le moment stratégique

Les data centers sont au croisement de trois tendances : le cloud, l’intelligence artificielle et la connectivité hyperscale. D’ici 2030, leur rôle sera central dans la capacité des pays africains à créer de la valeur numérique.

Pour le Gabon, le risque serait de rester un marché consommateur dépendant des infrastructures sud-africaines ou européennes. À l’inverse, investir dès aujourd’hui dans des capacités locales peut créer un effet d’entraînement : emplois qualifiés, attractivité des investisseurs, et émergence d’un tissu d’entreprises digitales.

La question n’est plus “faut-il investir ?” mais “comment accélérer et sécuriser cette dynamique pour transformer le Gabon en hub numérique durable de l’Afrique centrale ?”

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