Derrière cette annonce en apparence anodine, se cache une dynamique lourde : la recomposition progressive du marché du streaming dans les économies émergentes. Ce rapprochement, entre deux anciens concurrents aux logiques commerciales différentes, traduit un changement d’époque. Ce n’est plus la possession exclusive du contenu qui prévaut, mais la capacité à l’intégrer intelligemment dans un écosystème de services.
Une logique d’agrégation
D’un côté, Canal+ cherche à maintenir sa valeur perçue dans un contexte où la télévision linéaire perd du terrain face aux usages à la demande. De l’autre, Netflix cherche à contourner les barrières classiques du marché africain (paiement par carte, configuration technique) en s’intégrant dans des interfaces familières, avec facturation simplifiée.
Résultat ? Une logique de cohabitation où chacun protège sa base, sans cannibaliser l’autre.
Ce modèle pourrait bien devenir la norme dans les marchés africains, où la valeur se crée moins dans la technologie brute que dans l’intégration accessible.
Une tendance mondiale, un test local
Ce type d’agrégation est déjà en cours dans les marchés matures :
- En France, Netflix a signé un accord avec TF1 pour intégrer ses chaînes linéaires.
- Aux États-Unis, Disney+, Max, Hulu et Peacock repensent la mutualisation de leurs offres.
Le Gabon devient ainsi un marché test, à taille réduite mais représentatif :
- une population jeune et consommatrice de contenus digitaux,
- un faible taux de bancarisation,
- un usage hybride entre télé, mobile, décodeur, et apps.
Et une concurrence locale en construction ?
Dans ce nouveau paysage, une initiative locale se distingue : La 1 Gabonaise, plateforme de streaming 100 % nationale, lancée en juin 2025. Elle propose deux formules d’abonnement et ambitionne de valoriser le contenu culturel gabonais, avec une promesse : raconter nos histoires, chez nous, par nous.
Dans un pays habitué à consommer les récits des autres, l’initiative détonne. La plateforme n’a pas encore l’aura de Netflix, ni le réseau de Canal+. Mais peut-être aura-t-elle l’ancrage culturel qu’il manque aux deux ?
Au fond, pour que le Gabon ne soit pas uniquement un marché consommateur, mais aussi un producteur reconnu, il faudra investir dans les récits, les compétences, les structures et les canaux. Sans cela, même les meilleures plateformes locales resteront en marge d’un jeu qui se joue à l’échelle des continents.